Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/196

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langage baroque, et Yankel entra dans la cour. Un autre juif qui passait dans la rue s’arrêta, prit part au colloque, et, lorsque enfin Boulba fut parvenu à sortir de dessous les briques, il vit les trois juifs qui discouraient entre eux avec chaleur.

Yankel se tourna vers lui, et lui dit que tout serait fait suivant son désir, que son Ostap était enfermé dans la prison de ville et que, quelque difficile qu’il fût de gagner les gardiens, il espérait pourtant lui ménager une entrevue.

Boulba entra avec les trois juifs dans une chambre.

Les juifs recommencèrent à parler leur langage incompré­hensible. Tarass les examinait tour à tour. Il semblait que quelque chose l’eût fortement ému ; sur ses traits rudes et insensibles brilla la flamme de l’espérance, de cette espérance qui visite quelquefois l’homme au dernier degré du désespoir ; son vieux cœur palpita violemment, comme s’il eût été tout à coup rajeuni.

— Écoutez, juifs, leur dit-il, et son accent témoignait de l’exaltation de son âme, vous pouvez faire tout au monde, vous trouveriez un objet perdu au fond de la mer, et le proverbe dit qu’un juif se volera lui-même, pour peu qu’il en ait l’envie. Délivrez-moi mon Ostap ! donnez-lui l’occasion de s’échapper des mains du diable. J’ai promis à cet homme