Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/210

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cruelle. Ah ! quelle horrible torture ! criaient quelques-unes d’entre elles, avec une terreur fébrile, en fermant les yeux et en détournant le visage ; et pourtant elles demeuraient à leur place. Il y avait des hommes qui, la bouche béante, les mains étendues convulsivement, auraient voulu grimper sur les têtes des autres pour mieux voir. Au milieu de figures étroites et communes, ressortait la face énorme d’un boucher, qui observait toute l’affaire d’un air connaisseur, et conversait en monosyllabes avec un maître d’armes qu’il appelait son compère, parce que, les jours de fête, ils s’enivraient dans le même cabaret. Quelques-uns discutaient avec vivacité, d’autres tenaient même des paris ; mais la majeure partie appartenait à ce genre d’individus qui regardent le monde entier et tout ce qui pause dans le monde, en se grattant le nez avec les doigts. Sur le premier plan, auprès des porteurs de moustaches, qui composaient la garde de la ville, se tenait un jeune gentilhomme campagnard, ou qui paraissait tel, en costume militaire, et qui avait mis sur son dos tout ce qu’il possédait, de sorte qu’il ne lui était resté à la maison qu’une chemise déchirée et de vieilles bottes. Deux chaînes, auxquelles pendait une espèce de ducat, se croisaient sur sa poitrine. Il était venu là avec sa maîtresse Youséfa, et s’agitait continuellement, pour que l’on ne tachât point sa robe