Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/214

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ne servait qu’à enflammer la vengeance de la nation cosaque. La puissance du roi et des sages opinions ne pouvait rien contre le désordre, contre la volonté audacieuse des magnats polonais, qui, par une absence inconcevable de tout esprit de prévoyance, et par une vanité puérile, n’avaient fait de leur diète qu’une satire du gouvernement.

Ostap supportait les tourments et les tortures avec un courage de géant. L’on n’entendait pas un cri, pas une plainte, même lorsque les bourreaux commencèrent à lui briser les os des pieds et des mains, lorsque leur terrible broiement fut entendu au milieu de cette foule muette par les spectateurs les plus éloignés, lorsque les jeunes filles détournèrent les yeux avec effroi. Rien de pareil à un gémissement ne sortit de sa bouche ; son visage ne trahit pas la moindre émotion. Tarass se tenait dans la foule, la tête inclinée, et, levant de temps en temps les yeux avec fierté, il disait seulement d’un ton approbateur :

— Bien, fils, bien !…

Mais, quand on l’eut approché des dernières tortures et de la mort, sa force d’âme parut faiblir. Il tourna les regards autour de lui : Dieu ! rien que des visages inconnus, étrangers ! Si du moins quelqu’un de ses proches eût assisté à sa fin ! Il n’aurait pas voulu entendre les sanglots et la désolation