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Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/224

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tout à coup Tarass s’arrêta au milieu de sa course.

— Halte ! s’écria-t-il, j’ai perdu ma pipe et mon tabac ; je ne veux pas que ma pipe même tombe aux mains des Polonais détestés.

Et le vieux polkovnik se pencha pour chercher dans l’herbe sa pipe et sa bourse à tabac, ses deux inséparables compagnons, sur mer et sur terre, dans les combats et à la maison. Pendant ce temps, arrive une troupe ennemie, qui le saisit par ses puissantes épaules. Il essaye de se dégager ; mais les heiduques qui l’avaient saisi ne roulèrent plus à terre, comme autrefois.

— Oh ! vieillesse ! vieillesse ! dit-il amèrement ; et le vieux Cosaque pleura.

Mais ce n’était pas à la vieillesse qu’était la faute ; la force avait vaincu la force. Près de trente hommes s’étaient suspendus à ses pieds, à ses bras.

— Le corbeau est pris ! criaient les Polonais. Il ne reste plus qu’à trouver la manière de lui faire honneur, à ce chien.

Et on le condamna, du consentement de l’hetman, à être brûlé vif en présence de tout le corps d’armée. Il y avait près de là un arbre nu dont le sommet avait été brisé par la foudre. On attacha Tarass avec des chaînes en fer au tronc de l’arbre ; puis on lui cloua les mains, après l’avoir hissé aussi haut que possible, afin que le Cosaque fût vu de loin