Aller au contenu

Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Les bœufs pesants étaient couchés, les jambes pliées, en troupes blanchâtres, et ressemblaient de loin à de grosses pierres immobiles éparses dans la plaine, de tous côtés s’élevaient les sourds ronflements des soldats endormis, auxquels répondaient par des hennissements sonores les chevaux qu’indignaient leurs entraves.

Cependant, une lueur solennelle et lugubre ajoutait encore à la beauté de cette nuit de juillet ; c’était le reflet de l’incendie des villages d’alentour. Ici, la flamme s’étendait large et paisible sur le ciel ; là, trouvant un aliment faible, elle s’élançait en minces tourbillons jusque sous les étoiles ; des lambeaux enflammés se détachaient pour se traîner et s’éteindre au loin. De ce côté, un monastère aux murs noircis par le feu, se tenait sombre et grave comme un moine encapuchonné, montrant à chaque reflet sa lugubre grandeur ; de cet autre, brûlait le grand jardin du couvent. On croyait entendre le sifflement des arbres que tordait la flamme, et quand, au sein de l’épaisse fumée, jaillissait un rayon lumineux, il éclairait de sa lueur violâtre des masses de prunes mûries, et changeait en or de ducats des poires qui jaunissaient à travers le sombre feuillage. D’une et d’autre parts, pendaient aux créneaux ou aux branches quelque moine ou quelque malheureux juif dont le corps se consumait avec tout le reste. Une quantité d’oiseaux