Page:Gojon - Le Jardin des dieux.djvu/249

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Le silence posait sur leurs lèvres muettes
Un doigt d’airain que rien n’aurait pu déplacer,
Et les marchands du port riaient, mais les poètes
Méditaient longuement devant ces yeux glacés.

Debout en voile noir, farouches élégies,
Sur un seuil où le feu troublait comme du sang
Elles faisaient parfois gémir de nostalgie
Les archets promenés sous leurs doigts frémissants.

Comme je rapportais l’or sanglant des captures
Dont j’aurais pu bourrer la gueule des canons,
J’ai dormi tout un soir parmi leurs chevelures
Et bercé mon ivresse au charme de leurs noms.

Ah ! ramène-moi donc vers les formes sereines
De ce port que la mer pavoise de couleurs
Et poignarde à jamais du cri de ta sirène
Ce golfe où n’ont flotté que des barques de fleurs.