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Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/110

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Comédie.

Artur.

Bien moins encore. Il n’y a point de loi écrite qui mette obstacle à un semblable mariage.

Bonfil.

Sur quoi donc s’appuyerait le discours qui voudrait former une opposition à la liberté de le faire, sans contrarier évidemment la loi ?

Artur.

Sur l’opinion commune.

Bonfil.

Et qu’entendez-vous par cette opinion commune ?

Artur.

La façon de penser des hommes.

Bonfil.

Les hommes pensent, en général, très-différemment les uns des autres : il faudrait, pour se conformer à l’opinion, en changer autant de fois que l’on a occasion de traiter avec des personnes différentes. Il en résulterait nécessairement la mobilité, l’inconstance l’infidélité, ce qui serait pire cent fois que de suivre son opinion particulière.

Artur.

Vous avez raison, mon ami. Mais il faut savoir faire des sacrifices, pour conserver le décorum.

Bonfil.

Conserver le décorum ! voilà donc, selon vous, le troisième caractère de la prudence humaine. Mais, dites-moi je vous supplie, un cavalier qui épouse une pauvre fille honnête, offense-t-il ce décorum ?

Artur.

Il porte un préjudice sensible à la noblesse de son sang.

Bonfil.

Expliquez-vous. Comment un mariage peut-il changer le sang dans les veines du cavalier ?