Mais, en parlant trop, on ne parle pas toujours bien.
Ah ! Mylord, Mylord, vous n’avez pas voyagé.
Et vous ne m’en donnez pas le désir.
Pourquoi donc cela ?
C’est que je craindrais aussi d’acquérir des préjugés.
Le préjugé le plus sensible, croyez-moi, c’est de faire, comme quelques personnes, parade d’un sérieux à toute épreuve. L’homme doit être doux et sociable. Le monde est fait pour qui sait le connaître, et jouir des plaisirs honnêtes qu’il nous offre. Que diable prétendez-vous faire de votre Spleen éternel ? Êtes-vous dans un cercle ? vous y dites dix paroles dans l’espace d’une heure : allez-vous à la promenade ? c’est le plus souvent tout seul. Amoureux, vous voulez être entendus sans parler à l’opéra, vous n’y allez que pour pleurer ; vous n’aimez que ces chants pathétiques qui remuent les humeurs mélancoliques. La comédie Anglaise est une critique instructive, pleine de beaux caractères, et semée de bons mots : mais elle n’est point plaisante. En Italie, au contraire, on voit des comédies gaies à la fois et pleines d’esprit. Oh ! si vous voyez quel
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« Le plus grand préjugé, Mylord, daignez m’en croire,
» C’est l’affectation d’une humeur sombre et noire
» Qui fait un animal sauvage et sérieux
» De l’homme, né pourtant sociable et joyeux.
» Que vous sert votre Spleen, et qu’en voulez-vous faire ?
» Vos conversations sont une grande affaire !
» À peine dans une heure a-t-on dix mots de vous.
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» Vos hommes, de leurs clubs froidement échauffés,
» En lisant les journaux bâillent dans les cafés ;
» Vos femmes cependant de leur côté s’ennuient ;
» Votre luxe est maussade et les grâces vous fuient.
» Par vos tristes vapeurs vos goûts sont rembrunis ;
» Vos livres et vos arts portent ce noir vernis.
» Vos yeux cherchent partout des aspects funéraires
» Jusques dans les jardins veulent des cimetières.
» Au spectacle du chant, vous avez la fureur
» D’aimer un opéra lamentable et pleureur.
» L’Anglais, dans ses plaisirs, est encore hypocondre, etc. »