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Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/134

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Comédie.

Scène XVII.

Paméla (seule)[1].


Tous les instans que je passe désormais dans cette maison, sont coupables et injurieux à mon honneur. Mon maître a abandonné les rênes à sa passion : il me persécute, je dois le fuir. Oh ! Dieu ! est-il possible qu’il ne puisse me regarder sans méditer ma perte ? Il me faut donc abandonner cette maison où la fortune m’a souri pour la première fois ! quitter cette bonne madame Jeffre qui a pour moi la tendresse d’une mère ! ne plus voir monsieur Longman cet aimable vieillard que je révère comme un père me séparer des domestiques de cette maison qui. sont tous des frères pour moi ! abandonner, hélas ! un maître adorable, rempli de tant de belles qualités ! Mais non : mon maître n’est plus vertueux ; son cœur est changé. Il n’est plus qu’un homme aveuglé par la passion… je dois le fuir. Il m’en coûtera sans doute ; je le fuirai cependant. Si Myladi persiste à me demander, j’irai chez elle ; et j’y resterai tant qu’il me sera possible. J’instruirai mon père de tout ; et, à tout événement, j’irai vivre avec lui au sein de la pauvreté qui m’a vue naître. Malheureuse Paméla ! ô mon pauvre maître ! (Elle pleure.)

  1.  « Hélas ! chaque moment que je reste en ces lieux,
    » Inexorable honneur, est un crime à tes yeux !
    » Puisqu’à sa passion mon maître s’abandonne,
    » Je n’ai plus qu’à le fuir… ô Dieu ! mon cœur s’étonne
    » De l’effort qu’aujourd’hui commande mon devoir.
    » Quel avenir m’attend, douloureux à prévoir !
    » M’arracher d’un logis où j’étais si chérie !
    » Vivre loin de mon maître ! ah ! c’est perdre la vie.
    » Eh ! quoi ! si jeune encor… ! à peine commencé,
    » Le rêve du bonheur est bien vite effacé !
    » Voilà donc où conduit cet éclat qui nous frappe !
    » Tout semble me sourire, ô ciel ! et tout m’échappe. »

    (Acte III, Sc. Ire.)