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Comédie.

ACTE II.


Scène PREMIÈRE[1].

Mylord Bonfil (seul, une clef à la main,)

La pauvre Paméla, la pauvre Jeffre sont encore prisonnières : donnons-leur la liberté… Mais, ô ciel ! que ferai-je de Paméla ? elle est ma vie ! Je fais ce que je puis maintenant pour écarter de moi l’image et la pensée de ses attraits ; je me figure la possibilité de me séparer d’elle… Mais dès qu’elle s’offre à ma vue, mon sang se glace dans mes veines ; je sens seulement que ma vie dépend d’elle, et je ne me trouve plus la force de l’abandonner. Que faire désormais ! l’épouser ? Oui, Paméla, tu en es digne ! mais que de choses à arranger… ! Ouvrons cette porte ; il est temps qu’elles respirent de leurs frayeurs. (il va pour ouvrir.)

Isac.

Monsieur.

Bonfil.

Que veux-tu ?

Isac.

Mylord Artur.

  1. Ô ciel ! de Paméla que faire ? elle a mon cœur,
    Elle est ma vie. En vain je me suis cru vainqueur !
    Mais ma sœur m’inquiète ; elle viendra sans cesse
    Attaquer mon penchant ; l’accuser de bassesse…
    Son esprit de hauteur voudrait me maîtriser. —
    Et je subis ce joug, au lieu de le briser !
    Quelle est donc cette indigne et lâche dépendance,
    Cet esclavage affreux, qu’on nomme bienséance ?
    Ô noblesse ! ô chimère ! absurde vanité,
    Qui veux du genre humain rompre l’égalité !
    De l’oubli de ses droits la nature se venge.
    Je ne le sens que trop, à ce combat étrange
    Qu’aujourd’hui dans mon sein se livrent tour-à-tour
    Won rang et ma raison, et sur-tout mon amour.
    Mais c’est dans Paméla, sa vertu qui m’enflamme
    Je pourrais me résoudre à la prendre pour femme ;
    Elle en est digne enfin.

    (Acte III, Sc. VII.)