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Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/234

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Comédie.

Paméla.

Vous m’étonnez, Monsieur. Sachez que je suis une fille honnête.

Ernold[1].

Bravo ! J’en suis charmé. Vive donc la fille honnête ! Mais dites-moi donc, la belle, si vous êtes si honnête, vous devez avoir de l’honneur à revendre.

Paméla.

Qu’entendez-vous par-là ?

Ernold.

M’en voudriez vous céder un peu ?

Paméla.

Mais je crois que cela ne serait pas sans besoin.

Myladi.

Impertinente ! est-ce ainsi que tu parles à mon neveu ?

Paméla.

Qu’il me traite décemment, je lui parlerai de même.

Ernold.

Je ne m’offense point des injures qui sortent d’une jolie bouche. Toutes ces jolies filles sont si faciles à fâcher… ! Savez-vous pourquoi elle fait la cruelle ? c’est que vous êtes là ; allez-vous-en et je vous réponds qu’elle fera tout ce que je voudrai.

Myladi.

Je veux qu’elle vienne avec moi.

Ernold.

Elle viendra, mon dieu, elle viendra. Voulez-vous que je vous montre un moyen infaillible de la décider ? Tenez. (Il tire une bourse.) Tiens Paméla, tu vois bien ces guinées ; si tu suis ma tante, foi de chevalier, je t’en donne une demi douzaine.

  1. Cette situation pénible, et peut-être trop prolongée de la vertu aux prises avec l’impudence d’une part et la méchanceté de l’autre, ne serait point admissible sur notre scène. Elle est dans la nature, sans doute ; elle contribue puissamment à faire éclater la vertu de Paméla, et à rendre son triomphe plus beau ; mais notre délicatesse, bien ou mal entendue, repousse la peinture trop facile des mœurs qui nous blessent, et ne veut voir la nature imitée qu’en beau.

    L’auteur français n’a fait qu’indiquer cette situation ; c’est tout ce qu’il en fallait pour des spectateurs français.