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Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/248

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Comédie.

de me laisser aller, il aura, sans doute, ses raisons pour en agir ainsi. Informez-vous de moi à tous les domestiques de cette maison ; parlez de moi à tous ceux qui y sont venus et vous apprendrez quelle est ma façon de penser et de me conduire. Vous m’avez, (je rougis de le répéter !) vous m’avez traité de petite sotte, de coquine ! si le monde vous a offert des femmes de ce caractère, je suis bien loin de penser que ce soit la totalité ou même le plus grand nombre ; mais vous me donnez lieu de croire que vos inclinations perverses vous ont concentré dans la société de celles-ci, et que vous n’avez fait aucun cas des femmes honnêtes et sages, dont le nombre cependant est grand par-tout. Comment voulez-vous savoir si le nombre des femmes estimables l’emporte sur celui des femmes perverses, lorsque les plus corrompues sont les seules que vous recherchiez ? Comment connaître ce qui constitue la vertu, quand on suit uniquement sa passion ? J’eus l’honneur de vous connaître avant que vous sortissiez de Londres : vous étiez alors un chevalier honnête, un sage Anglais, un jeune homme enfin de la plus belle espérance. Vous avez voyagé, et vous vous êtes infecté de ces maximes détestables ! Ah ! permettez-moi une réflexion pour vous justifier : vous aurez vu, sans doute, de très-mauvaises compagnies, et d’un exemple pernicieux. Aussi flexible qu’une cire molle, le cœur de l’homme reçoit aisément les bonnes et les mauvaises impressions. Si les exemples dangereux de ce monde pervers que vous avez eu le malheur de fréquenter, ont gâté votre cœur, il en est temps encore, vous pouvez réparer le mal : votre patrie vous donnera des motifs puissans d’émulation pour le faire. Et si, pour effacer en vous la mauvaise idée que vous avez des femmes, il suffit de l’exemple d’une jeune fille qui ne craint pas de vous irriter, en vous remettant dans les voies de l’honneur, admirez la franchise avec laquelle j’ajoute hardiment, que si vous avez l’audace de m’insulter encore, je saurai demander et trouver justice. (Elle sort.)