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Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/250

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211
Comédie.


Scène XV.

Myladi DAURE, ERNOLD.
Ernold.


Elle me laisse pétrifié !

Myladi.

Je suis étonnée aussi, moi ; mais c’est de vous, et non pas d’elle.

Ernold.

Pourquoi donc cela, je vous prie ?

Myladi[1].

Parce que vous avez eu la patience de l’entendre, sans lui donner de votre main sur la figure.

Ernold.

Soyons vrais ; je me suis avancé un peu trop loin dans la maison d’un autre.

Myladi.

L’évanouissement de mon frère vient sans doute de son amour pour Paméla.

Ernold.

Jamais je ne me suis évanoui pour les dames.

Myladi.

Il l’aime trop passionnément.

Ernold.

Eh ! parbleu, s’il l’aime, qu’il s’en passe la fantaisie.

Myladi.

Je tremble qu’il ne l’épouse.

  1. Il y a quelque chose de bien dur, de bien grossier même dans cette réponse ! Comment une femme de qualité, et qui n’a personnellement aucun sujet de se plaindre de Paméla, peut-elle s’oublier à ce point ? D’ailleurs, quel rôle a-t-elle joué pendant la scène indécente d’Ernold ! voilà encore une de ces choses que le spectateur français ne tolérerait pas, et que ne pallieraient point à ses yeux les beautés réelles dont tout l’ouvrage est semé. Mais ce qu’il admirerait avec raison, ce que peut-être l’imitateur n’a point assez fait sentir encore, c’est la métamorphose subite opérée dans Ernold ; c’est l’effet sûr et inévitable du discours de Paméla ; et tel sera toujours l’heureux ascendant de la vertu sur les ames qui ne sont point essentiellement corrompues.