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Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/272

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Comédie.

Andreuss.

Tu me le demandes, ingrate ! triste preuve, hélas ! qu’il t’en coute bien peu d’être éloignée de nous ! Dix ans, deux mois, dix jours et trois heures se sont écoulés depuis l’instant fatal que tu t’es séparée de nous. Si tu sais calculer le nombre des minutes qui composent un pareil intervalle, tu sauras alors ce que mon cœur a éprouvé d’angoisses loin de toi.

Paméla.

Ah ! mon père, permettez-moi de vous dire que je n’ai point désiré de vous quitter, que je n’ai point eu l’ambition d’abandonner le séjour des forêts pour celui des villes, et que mon vœu le plus cher sera toujours de vivre auprès de vous avec le doux emploi de soulager les besoins de votre vieillesse.

Andreuss.

Oui, j’en conviens. C’est moi qui, ne pouvant te voir partager notre misère, t’ai procuré un sort plus heureux.

Paméla.

Puisque le ciel m’a fait naître pauvre, j’aurais supporté sans murmure le joug de la pauvreté.

Andreuss.

Ah, ma fille ! ma fille, tu ne connais pas tout ton sort. Quand tu nous quittas, la faiblesse de ton âge ne permettait pas encore de te confier un secret.

Paméla.

Oh, ciel ! ne suis-je point votre fille ?

Andreuss.

Tu l’es, graces au ciel.

Paméla.

Me trouvez-vous maintenant digne de votre confiance ?

Andreuss.

Ton âge, ta sagesse qui font toute ma consolation, exigent que je te révèle un secret important.