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Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/294

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Comédie.

cherchèrent un asile dans l’étranger. Je me réfugiai dans les montagnes les plus désertes, où, a par le moyen du peu d’argent que j’avois emporté, je vécus dans une heureuse obscurité. Dix ans après, les troubles s’apaisèrent, les persécutions s’éteignirent ; je quittai alors la cime des monts ; je descendis sur une colline moins âpre, moins sauvage ; et, de l’argent qui me restait, j’achetai un morceau de terre que mes mains cultivent et qui suffit à l’existence de ma famille. J’envoyai en Écosse ; j’offris à mon épouse de partager le pain que je recueillais. Elle a préféré courageusement un mari pauvre au luxe où elle vivait chez ses parens ; elle est venue, et sa présence a embelli ma tranquille retraite. Deux ans après, elle donna le jour à une fille et c’est mon adorable Paméla. Myladi votre mère, qui venait souvent jouir dans notre voisinage du plaisir de la campagne avec sa famille, me demanda ma fille, âgée alors de dix ans seulement. Figurez-vous, Mylord, avec quelle répugnance je laissai sortir de mes bras le seul trésor qui me restât sur la terre ! Mais le regret de donner, dans les bois, une éducation grossière à une fille d’un sang si noble, me détermina à la laisser partir. Aujourd’hui, l’amour que j’ai pour elle, les douces espérances dont me flatte votre bonté, tout me fait une loi de vous dévoiler un secret gardé jusqu’ici avec tant de soin, et qui, connu aujourd’hui même encore des partisans de la royauté, ne me coûterait rien moins que la vie. J’avais à Londres un ami qui est mort depuis trois mois. Toute ma confiance désormais repose en vous ; en vous qui êtes gentilhomme, et qui aurez, je l’espère, pour un père malheureux les bontés que vous daignez témoigner à sa fille.

Bonfil (appelle.)

Hola ! (Isac entre.) Dites à Paméla qu’elle vienne ici sur le champ. Vous irez ensuite chez myladi Daure, et vous la prierez de me faire, s’il est possible, le plaisir de se rendre chez moi. (Isac sort.)