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Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/322

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Comédie.

Artur.

Je vous salue[1]. (Il va pour sortir.)

Bonfil.

Arrêtez.

Artur.

Vous vous moquez de moi.

Bonfil.

Mon cher ami, daignez m’entendre. Je suis l’homme du monde le plus heureux. J’ai découvert un secret qui m’a rendu la vie. Paméla est la fille d’un gentilhomme Écossais.

Artur.

Ne vous laissez point abuser par votre passion.

Bonfil.

Cela n’est pas possible. Son père s’est découvert à moi ; et en voilà des preuves authentiques dans deux lettres de votre père. (Il lui fait voir les papiers.)

Artur.

Comment ? le comte Auspingh !

Bonfil.

Oui, le comte Auspingh, un ami de votre père. Seriez-vous, par hasard, instruit de ses malheurs ?

Artur.

Je sais tout. Mon père s’est donné, pendant trois ans toutes les peines possibles pour obtenir son pardon ; et peu de jours avant sa mort, sortit le rescrit favorable.

Bonfil.

Oh, ciel ! le Comte a obtenu sa grace ?

  1. Ce dernier trait, qui achève de caractériser Artur, nous paraît admirable. Il a épuisé dans les scènes précédentes tout ce que l’amitié, la raison, l’intérêt le plus vif ont pu lui inspirer de plus solide et de plus pressant ; il voit que tout a été inutile, qu’il est superflu désormais d’essayer de nouvelles tentatives ; il ne lui reste donc plus de parti à prendre que celui de la retraite. Il le choisit, et se retire, sans se permettre la moindre plainte, sans se répandre en vaines déclamations sur l’amitié outragée, sur la sagesse de ses conseils si complètement méprisés, etc. Il se retire ; et ces simples mots, je vous salue, expriment tout ce qu’il sent, et disent tout ce qu’il doit dire.