Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/410

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votre fille ; parlons franchement, j’ai de l’amour et de la tendresse pour elle. Plût au ciel que je fusse digne de la posséder un jour ! non pour le vil intérêt d’une dot, mais pour la beauté qui la pare, pour les vertus qui ornent son cœur. Je vous proteste sur mon honneur que je ne suis pour rien dans la résistance qu’elle oppose à vos volontés ; j’en suis incapable, et elle n’est point assez faible pour se laisser séduire. Pardon, si j’ai pu vous déplaire : excusez une passion honnête, inspirée par l’excès d’un mérite étonnant ; soyez convaincu de mon respect, et rendez-moi digne de votre amitié.

Le Comte.

Mon cher ami, vous m’honorez ; vous me comblez de satisfaction. Je vous aime, je vous estime, et recevez dans cet embrassement un gage sincère de mon amitié.

Le Baron.

Comte, puis-je vous demander une grâce ?

Le Comte.

Demandez ; que ne ferai-je pas pour un si digne ami ?

Le Baron.

Souffrez que je vous accompagne à Turin.

Le Comte.

Pardon ; mais c’est un point que je ne vous puis accorder.

Le Baron.

Pourquoi cela ?

Le Comte.

Je suis étonné que vous ne le voyiez pas vous-même. Un père honnête ne doit pas conduire sa fille à son époux, avec son amant à ses côtés.

Le Baron.

Mais je ne m’y veux présenter que sous le titre de votre ami.