Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/418

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Il est innocent, et je suis fâché de l’avoir insulté. Mais s’il daigne oublier ce premier transport, s’il veut accepter ta main, et si tu la lui donnes sans répugnance, je te le présente en qualité d’époux.

Le Baron.

Ah ! Comte, vous me comblez de joie, vous me comblez de satisfaction ! J’oublie volontiers tout ce que j’ai pu souffrir pour une aussi aimable épouse, pour un beau-père si respectable et si généreux.

La Comtesse.

Doucement, Monsieur : c’est prodiguer trop tôt les titres d’épouse et de beau-père. Je rends grâce à la bonté d’un père qui condescend à mes désirs avec tant d’amitié : mais je ne suis pas dans une position à prendre si promptement mon parti.

Le Baron.

Qu’entends-je ! ô ciel ! vous refusez ma main !

La Comtesse.

Le temps, la circonstance où vous me faites l’honneur de me l’offrir, ne me permettent pas d’en faire beaucoup de cas. Je suis en route pour aller voir l’époux que l’on m’offre : vous me voyez dans la triste alternative d’affliger mon père si je n’accepte pas, ou de le mettre dans l’embarras, s’il s’expose, pour me faire plaisir, à déchirer un écrit. Trouvez-vous qu’il soit bien délicat de vous venir jeter au milieu du trouble, des inimitiés et des dissentions que cela peut occasionner ?

Le Baron.

Pardon, Madame ; mais c’est montrer un esprit de contradiction.

Le Comte.

Respectez ma fille. Elle montre plus de raison et de prudence que vous.

Le Baron.

Je commence à être las de vos insultes…