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Comédie.

Mme Jeffre.

Quand il vous nomme, le sourire est toujours sur ses lèvres.

Paméla.

Il a une si belle ame !

Mme Jeffre.

Et tout le sérieux qui caractérise notre nation.

Paméla.

Parler peu, mais bien, est une belle prérogative.

Mme Jeffre (se lève.)

Pamela, restez ici : je suis à vous dans le moment.

Paméla.

Ne me laissez pas long-temps seule.

Mme Jeffre.

Voyez : mon fuseau est plein ; j’en prends un autre, et je reviens à l’instant.

Paméla.

Je ne voudrais pas que Monsieur me trouvât seule.

Mme Jeffre.

Comment donc ! il est honnête.

Paméla.

C’est un homme ![1]

Mme Jeffre.

Allons, allons, point de ces mauvaises idées-là. Je suis à vous.

Paméla.

S’il venait, par hasard, ayez la bonté de m’avertir.

Mme Jeffre.

Oui, oui. (à part.) Il me vient une drôle d’idée dans l’esprit. Pamela parle trop de son maître !… Mais je saurai m’en assurer. (Elle sort.)

  1. Voilà de ces mots charmans qui caractérisent mieux un personnage que tous ces fades lieux communs, devenus ridicules à force d’être prodigués. Paméla n’est point une parleuse de morale ; et quand une fois ou deux seulement les circonstances la forcent, dans le cours de la pièce, de développer l’excellence de ses principes, ce n’est point l’étalage d’un esprit qui cherche à se montrer ; c’est l’énergie d’une âme honnête, c’est la vertueuse indignation qu’excitent une conduite ou des propositions révoltantes et indignes d’elle.