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Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/80

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Comédie.

auprès d’une simple servante ? Est-ce ainsi que vous soutenez l’honneur de la noblesse ? Méritez-vous alors le respect dû à votre naissance ? Adopteriez-vous par hasard le raisonnement des gens sans principes ? Diriez-vous avec les libertins : l’homme ne se déshonore point en déshonorant une pauvre fille ? Vains subterfuges ! tout ce qui est essentiellement mauvais déshonore un gentilhomme ; et je ne connais pas de procédé plus affreux, d’action plus indigne, que de tendre des piéges à la vertu d’une fille sans expérience. Que lui pouvez-vous offrir, dites-moi, en compensation de son honneur ? de l’argent ! Ah ! vil prix d’un inappréciable trésor ! maximes indignes de vous ! menaces indignes de moi ! gardez votre argent, cet argent infâme, que vous vous flattiez de me voir préférer à mon honneur. (Elle met la bourse sur la table.) Monsieur, mon discours excède les bornes de la brièveté ; mais ma raison m’en suggère encore davantage. Tout ce que j’ai dit, tout ce que je puis dire encore, n’est rien en comparaison de l’honneur ; préparez-vous donc à me voir mourir, avant de me voir céder à l’ombre seulement du déshonneur. Mais, ô Dieu ! mes paroles semblent faire quelque impression sur votre belle ame. Car enfin, vous êtes bien né, aimable, honnête sur-tout ; et, en dépit de la passion qui vous aveugle, vous êtes forcé de sentir que je pense, dans ce moment, mieux que vous. Peut-être, peut-être rougirez-vous d’avoir eu de moi une semblable idée, et vous me saurez quelque gré de ma franchise avec vous. J’ai dit, Mylord. Je vous remercie de m’avoir aussi exactement tenu parole : cette indulgence de votre part me fait espérer que vaincu par mes raisonnemens, vous avez peut-être changé d’intentions. Le ciel le veuille ainsi ! je l’en conjure de tout mon cœur. Ces maximes que je vous ai rappelées, ces sentimens qui règlent ma conduite, sont principalement le fruit des instructions de votre défunte mère, et peut-être est-ce aujourd’hui cette belle ame qui daigne m’entendre, qui fait