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COMÉDIE.

je commence moi-même à ne plus savoir où j’en suis. Il est heureux que votre père n’ait rien appris encore de tout cela ; peut-être vaudrait-il mieux cependant qu’il le sût, il vous donnerait quelque conseil.

Paméla.

Il n’y a plus personne ici. Où seront-ils allés ?

Mme Jeffre.

Ils sont en bas ; je les ai entendus descendre l’escalier.

Paméla.

Je crains tout de leur emportement mutuel : ils on l’un et l’autre leur épée au côté.

Mme Jeffre.

Ils réfléchiront quel crime c’est à Londres que de mettre l’épée à la main ; ils savent bien qu’on ne se bat en duel ici qu’à coup de poing.

Paméla.

Je suis si troublée, si agitée, que je respire à peine.

Mme Jeffre.

Allez trouver votre père, instruisez-le de votre disgrace, et vous verrez ce que vous dira ce respectable vieillard.

Paméla[1].

Je n’ai pas le courage de le faire. Je connais sa délicatesse sur l’article de l’honneur, et je sais que chaque mot lui perceroit le cœur.

Mme Jeffre.

Voulez-vous que je lui en touche quelque chose ?

  1. Paméla tient le même langage dans la pièce française.

    Quel moment pour mon père !
    Ah ! combien va frémir son courage indigné,
    Et de quels pleurs amers je le verrai baigné !
    Le seul bruit du soupçon alarmait sa tendresse,
    Révoltait son honneur et sa délicatesse…
    Lui pourrai-je annoncer ce projet plein d’horreur !
    Non, jamais chaque mot lui percerait le cœur ;
    Je n’en ai pas la force.

    (Paméla mariée, acte IV, Sc. Ire.)