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COMÉDIE.

Paméla.

Non ; il vaut mieux qu’il l’ignore.

Mme Jeffre[1].

Il est impossible qu’il ne le sache pas à la fin, et infiniment plus dangereux qu’il l’apprenne d’une bouche étrangère. Il pourra croire fondés tous les reproches que l’on vous fait, si vous balancez à lui confier vos chagrins. Permettez que je l’en instruise, je le ferai de manière…

Paméla.

Faites ce que vous jugerez à propos.

Mme Jeffre.

Pauvre Paméla ! vous rappelez-vous le temps où Mylord voulait vous enfermer dans cette chambre ? quand il vous donna cet anneau ? Son amour vous effrayait alors ; aujourd’hui, vous redoutez son ressentiment ! Mais autant la douce modestie vous fut utile alors ; autant une noble audace vous devient maintenant indispensable. Ne craignez rien ; exposez vos raisons à qui de droit : et je gage ma tête, que si vous portez votre cause devant un tribunal, la victoire est à vous, et le juge condamné avec dépens. (Elle sort.)


Scène IX.

Myladi PAMÉLA, ensuite Myladi DAURE.
Paméla.


Jeffre s’efforce en vain de ranimer mon courage ; accablée du poids de ma douleur……

  1. Il n’est guère possible
    Qu’il l’ignore ; et ce coup lui sera plus sensible,
    Plus douloureux cent fois, partant d’une autre main.
    On vous peindra coupable, et rien n’est plus certain,
    Prévenez les méchans ; exposez-lui vous-même
    Les chagrins, les tourmens d’une fille qu’il aime.
    Au récit de vos maux, son cœur s’attendrira
    Les vengera peut-être, ou du moins les plaindra,
    Il est toujours si doux de pleurer près d’un père !
    Quand je vous ai paru d’un sentiment contraire,
    De quoi s’agissait-il d’un courroux, d’un dépit,
    Qu’un instant a vu naître et qu’un autre assoupit :
    Et qui ne devait pas avoir de conséquence.
    Mais la chose, à présent, est d’une autre importance ;
    II s’agit de l’honneur : c’est notre premier bien ;
    Nous devons le défendre.

    (Paméla mariée, Acte IV, Sc. Ire.)