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COMÉDIE.

sa faute deviendra publique, ainsi que l’arrêt qui la condamnera. Innocente, vous retrouverez la paix de votre ame sans avoir hasardé votre réputation. Voilà ce que pense un sage Ministre, et ce que doit faire un honnête gentilhomme comme vous.

Bonfil (appelle.)

Hola !

Longman.

Monsieur.

Bonfil.

Faites entrer myladi Daure et le chevalier Ernold ; avertissez aussi Paméla et madame Jeffre : si mylord Artur se présente, dites qu’on le laisse entrer sur le champ. Trouvez-vous, ainsi que les autres, dans cet appartement, et n’en sortez pas. (Longman sort.)


Scène XVI[1].

Mylord BONFIL, M. MAJER, et successivement

Myladi DAURE, le Chevalier ERNOLD, Mylord ARTUR, Myladi PAMÉLA,

Madame JEFFRE, Monsieur LONGMAN.
Majer.


Mylord, vous n’êtes point l’ennemi de votre épouse ?

Bonfil.

Je l’aimai tendrement, je l’aimerais toujours davantage, si l’infidélité n’avait point dégradé son cœur.

  1. L’auteur de la pièce citée jusqu’ici dans nos notes, a suivi dans son cinquième acte en général, et sur-tout dans son dénouement, une marche si différente de Goldoni, que nous croyons devoir transcrire ici toute la fin de l’ouvrage, en laissant toutefois au lecteur le soin de prononcer sur ce changement.

    Scène VII.

    BONFIL, Madame JEFFRE, ISAC ; AUSPINGH (sortant de l’appartement de Paméla, et s’efforçant de l’entraîner avec lui : Bonfil sur le devant de la scène.)
    Auspingh.

    Viens, ma fille, suis-moi.

    Paméla.

    Viens, ma fille, suis-moiLaissez-moi lui parler ;
    Et peut-être ma voix…

    Auspingh (avec une fureur concentrée.)

    Et peut-être ma voixOn m’accorde le reste
    De ce jour, pour quitter cet asile funeste
    Pour fuir Londre à jamais ! J’en suis banni !

    Bonfil (frappé des derniers mots.)

    Pour fuir Londre à jamaisGrand Dieu !
    Qu’entends-je ? Expliquez-moi…

    Auspingh.

    Qu’entends-jeOui, j’abandonne un lieu
    Où la vertu plaintive, où la simple innocence,
    Sans pouvoir l’obtenir, ont demandé vengeance ;
    Et je bénis l’arrêt qui, fixant mes destins,
    M’affranchit pour toujours de l’aspect des humains.

    Bonfil.

    Eh ! pourquoi vous presser pourquoi ne pas attendre
    Que mon zèle, mes soins…

    Auspingh (avec indignation.)

    Que mon zèle, mes soinsVous pourriez me défendre,
    Quand, par l’éclat honteux d’un divorce offensant,
    Vous voulez profaner ma vieillesse et mon sang ?

    Bonfil.

    Je donnerais le mien, pour que son innocence……

    Auspingh.

    Avez-vous seulement entendu sa défense ?
    Vous avez rebuté ses timides douleurs ;
    Votre œil impitoyable a vu couler ses pleurs !

    Paméla (à son père.)

    Ah ! ne l’accusez pas de mes peines cruelles.
    Non, non. Ce n’est pas lui… Des discours infidelles
    Ont trouvé dans son cœur un trop facile accès.
    Il aimait Paméla… mais, sensible à l’excès