Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome II, 1801.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
Préface.

depuis long-temps, et dont les ouvrages, traduits dans toutes les langues, faisaient les délices de tous les peuples,

La vie de Moliere offrait une époque aussi glorieuse pour lui qu’intéressante pour les mœurs et pour les lettres en général ; c’est la représentation du Tartufe. On sait que, furieuse de se voir démasquer, l’hypocrisie religieuse mit tout en œuvre pour étouffer dans sa naissance cet admirable ouvrage, et que jamais peut-être il n’eût été joué, sans la protection spéciale dont Louis XIV honorait l’auteur du Misanthrope, Mais Moliere ne se découragea point ; et bravant les clameurs d’une cabale doublement méprisable, et par son objet et par ses moyens, il jouit du succès éclatant de sa pièce et du désespoir de ses ennemis terrassés, confondus, mais non corrigés. Il est une espèce d’homme que l’on ne corrige point ; et les faux-dévots sont ces hommes-là. Moliere ne les changea point, sans doute ; et il connaissait trop le cœur humain pour s’en flatter ; mais il rendit à la société le plus grand de tous les services, en les couvrant d’un opprobre éternel et d’un ridicule ineffaçable ; en ouvrant les yeux trop crédules sur les pieuses fraudes, sur les modestes intrigues, et sur-tout sur les intentions pures de ces vils contre-facteurs de vertus ; en établissant enfin une distinction juste et sublime entre la vraie et la