Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome II, 1801.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
287
Comédie.

que court mon honneur compromis l’emporte encore sur le chagrin de voir ma flamme méprisée. Ah ! maudit soit le jour où j’entrai dans cette fatale carrière ! qu’il eût mieux valu pour moi faire, comme mon père, un honnête tapissier ! mon oncle, en m’arrachant à ma profession pour faire de moi un comédien, a donné la mort à mes parens, et a creusé sous mes pas un horrible précipice. J’ai étudié, il est vrai ; mais de quoi m’ont servi ces malheureuses études si, après une courte apparition au barreau, j’ai cédé au charme irrésistible d’une profession… Voilà donc le fruit douloureux de mes succès ! le caprice de deux femmes expose ma gloire au revers le plus fâcheux ! et tout ce qu’un pareil ouvrage a pu coûter de travail, l’ordre du roi que j’ai obtenu l’annonce de la pièce qui a déjà circulé dans toutes les rues, dans toutes les places, deux folles rendront tout cela inutile ! et je serais assez fou moi-même, pour faire encore un métier que suivent tant de dangers, et qui offre si peu de dédommagement !


Scène XI.

MOLIERE, VALERE.
Valere.


Moliere, toutes les loges sont prises : parterre, amphithéâtre, tout est plein ; et le public, rempli de joie et de curiosité attend avec impatience le moment d’applaudir au Tartufe.

Moliere.

Plût au Ciel que le théâtre fut la proie des flammes ; que les comédiennes et les comédiens fussent à jamais plongés dans les gouffres du Tartare !