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Comédie.

Valere.

Elle prétend que Moliere se propose de l’enlever.

Moliere.

Mais, mon cher, c’est un conte !

Valere.

Qui vous dit le contraire ? La servante m’a déjà appris bien des choses : pendant votre absence, est venu ici ce perfide Pirlon, ce méprisable cafard qui va çà et là disséminer l’imposture.

Moliere.

Oui, oui, je le connais ce vil professeur d’hypocrisie : c’est précisément l’original de mon Tartufe. Dites-moi donc qu’a-t-il fait ?

Valere.

Avec tout le raffinement de son art maudit il a arraché à Isabelle le secret de son amour pour vous : il l’a dit à sa mère ensuite, non sans lui donner le vain conseil de ne la point mener au théâtre ce soir, afin d’échapper au danger de la perdre. Ainsi…

Moliere.

Ainsi le vil imposteur se flattait d’arrêter par là un ouvrage qui lui perce le cœur.

Valere.

Il avait séduit la Forêt, qui déjà s’en allait demeurer chez lui. Mais en y réfléchissant un peu, et éclairée sur tout par mes conseils, elle vous conjure maintenant de la garder, et est vraiment mortifiée de sa conduite de ce matin.

Moliere.

Tout cela ne fait qu’ajouter à mon empressement de jouer mon Tartufe. Vous verrez, vous verrez votre Pirlon trait pour trait sur la scène. Il ne me manque qu’une chose… Oh ! si je pouvais me procurer… La Forêt, si elle veut, peut me rendre ce service-là. Elle a assez d’esprit pour y réussir.