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Comédie.

Valere.

Est-ce là tout ce que vous y trouvez à reprendre ?

Le Comte.

Fi donc ! Tarte à la crème !

Valere.

Un mot trivial ne gâte pas un bel ouvrage.

Le Comte.

Tarte à la crème ! quelle absurdité ! quelle sottise !

Valere.

Monsieur a-t-il entendu la pièce entièrement ?

Le Comte.

Moi ! je ne suis pas encore assez fou pas encore assez fou, pour perdre ainsi une soirée. J’écoute un endroit, je sors, je rentre, je visite les loges, je fais le tour de la salle, je cause avec mes amis, je dis de jolies choses aux femmes. Une comédie ne mérite pas de faire taire un homme trois heures de suite.

Valere.

Et vous prononcez, Monsieur, sur le mérite d’un ouvrage sans l’avoir entendu ?

Le Comte.

Il suffit d’une scène à un homme de goût, pour juger du reste.

Valere.

On sait pourquoi l’École des femmes n’a pas réussi. Le beau sexe n’a pu voir, sans frémir, cette critique ingénieuse. Les dames ont déclaré la guerre au pauvre auteur et leurs amans ont fait tomber la pièce.

Le Comte.

Vous verrez Moliere tomber insensiblement de jour en jour. Scaramouche vaut, ma foi, déjà mieux que lui.

Valere.

Ah ! je ne puis souffrir cet indigne parallèle d’un vil bâteleur, avec un homme du mérite de Moliere.