Eh bien ! voyons ; puisque vous savez si bien tirer l’horoscope du cœur humain, cela doit vous encourager à deviner quel sera le fortuné mortel…
Je ne me hasarde point jusques-là. Je suis sûr d’une chose cependant ; c’est que Madame ne donnera pas son cœur à qui se pourrait contenter de la moitié.
Doucement, doucement, Monsieur. Ceci est une autre thèse, et je me déclare d’un avis différent. Je sais que je ne suis pas digne d’un aussi grand bonheur. Mais, en supposant que Madame daignât me combler de ses grâces, au point de me nommer son époux, je mettrais ses vertus bien au-dessus encore de la jeunesse, des biens et du nom, dont vous venez de lui faire un mérite. Je serais jaloux de sa foi, sans l’être de ses regards, et séparant toujours la femme sage, de la femme d’esprit, je serais heureux époux, mais non cavalier indiscret.
Un époux de ce caractère ne pourrait que me rendre très-heureuse.
Monsieur, autre chose est de donner carrière à son imagination, ou de se trouver dans le cas dont il s’agit. Je conçois parfaitement que vous cherchez le meilleur moyen d’établir votre crédit auprès du cœur qui vous écoute. Mais cette excessive indulgence dont vous parlez, ne peut rien sur l’âme d’Eugénie : elle préfère un amour vertueux à toute la galanterie moderne. Si vous dites vrai, vous ne l’aimez pas ; et si vous l’aimez, elle ne peut se flatter de la liberté que vous lui promettez.
Ce doute me paraît assez raisonnable.