Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/110

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rechercher… Mais, pardon, monsieur ; je m’écarte de la question… » Il s’en écartait effectivement, et, sur ma vie, je ne vois pas ce que la création du monde avait à faire dans la question qui nous occupait ; mais c’en était assez pour me montrer qu’il était homme de lettres, et je l’en révérais davantage. Je voulus donc l’éprouver ; mais il était trop doux, trop pacifique pour disputer la victoire. Toutes les fois que je faisais une remarque qui avait l’air d’une provocation à la controverse, il souriait, hochait la tête et ne disait mot ; j’en conclus qu’il aurait pu beaucoup dire s’il l’avait voulu.

Insensiblement, de l’antiquité, la conversation passa au motif qui nous amenait à la foire : « Moi, lui dis-je, c’est un cheval à vendre. » Et heureusement c’était, lui, un cheval à acheter pour un de ses fermiers. Je lui amenai mon cheval, et tout de suite nous fûmes d’accord. Il ne restait plus qu’à me payer, et pour cela il tira de sa poche un billet de trente livres sterling, me priant de le lui changer. Comme il m’était impossible de faire ce qu’il me demandait là, il fit appeler son laquais, qui parut vêtu d’une fort élégante livrée. « Tiens, Abraham, lui dit-il, va me chercher de l’or pour ceci ; tu en trouveras ou chez le voisin Jackson ou chez un autre. » Le laquais parti, l’extrême rareté de l’argent fut, de sa part, l’objet d’une très-pathétique harangue, sur laquelle j’enchéris à mon tour en déplorant l’extrême rareté de l’or, de telle sorte que, au retour d’Abraham, nous venions de tomber d’accord que les espèces n’avaient jamais été si difficiles à obtenir qu’en ce moment. Abraham revenait nous dire qu’il avait couru toute la foire sans pouvoir changer, quoiqu’il eût offert une demi-couronne de prime. Grand désappointement pour tous deux ! Mais le vieux gentleman, après une courte pause, me demanda si je connaissais dans nos environs un certain Salomon Flamborough. Sur ma réponse que c’était mon plus proche voisin, que nous habitions porte à porte : « En ce cas, me dit-il, nous allons, je crois, nous arranger. Voici un mandat