Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Je sortais dans cette idée, lorsque, à la porte, je rencontrai un capitaine de navire avec lequel j’avais fait connaissance il y avait quelque temps, et qui consentit à prendre avec moi un bol de punch. Je n’ai jamais pu faire un secret de ma position. « Vous êtes perdu, me dit mon capitaine, si vous croyez aux promesses de Crispe ; car il n’a d’autre but que de vous vendre aux planteurs. Un voyage beaucoup plus court peut, j’imagine, vous mettre, sans peine aucune, en mesure de gagner fort agréablement votre vie. Croyez-moi ; je mets demain à la voile pour Amsterdam ; venez avec nous comme passager. En débarquant, tout ce que vous avez à faire est de montrer l’anglais aux Hollandais ; je vous garantis écoliers et argent ; car je suppose que vous savez l’anglais, par le temps qui court ; ou le diable s’en mêle, — Oh ! je le sais, répondis-je hardiment ; mais les Hollandais auront-ils envie d’apprendre l’anglais ? » Mon homme m’affirma, sous serment, qu’ils en étaient fous, que c’était pour eux une distraction, et, sur sa parole, j’acceptai son offre, et m’embarquai le lendemain pour aller en Hollande montrer l’anglais aux Hollandais.

« Le vent fut bon, la traversée courte, et, mon passage payé avec moitié de mes effets, me voilà, comme tombé des nues, dans une des principales rues d’Amsterdam. Vite, pas un moment sans leçons ; pour cela je m’adressai aux deux ou trois premières personnes que je rencontrai, et dont la mine me semblait promettre le plus ; mais impossible de nous comprendre l’un l’autre. Alors seulement je me rappelai que, pour montrer l’anglais aux Hollandais, force était qu’eux-mêmes commençassent par me montrer le hollandais. Comment cette difficulté toute simple m’avait-elle échappé ?… j’en suis encore surpris ; mais, bien positivement, elle m’avait échappé.

« Mon projet à bas, j’allais tout bonnement me rembarquer pour l’Angleterre, quand je rencontrai un étudiant irlandais qui revenait de Louvain ; la conversation tomba sur quelques points de littérature,