Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/167

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fréquentes visites pour consoler le reste de ma famille qu’il avait laissée parfaitement bien ; puis il me demanda si j’avais parlé à miss Wilmot ou à mon fils de la mésaventure d’Olivia ; et, sur ma réponse négative, il approuva fort ma prudence et ma discrétion, me recommandant bien de garder le secret : « Car, disait-il, le moindre inconvénient, en pareil cas, est d’ébruiter notre propre déshonneur, et peut-être miss Livy n’est-elle pas aussi coupable qu’on l’imagine… » Nous fûmes interrompus par un laquais qui vint prier le Squire de rester pour une contredanse, et il me laissa tout heureux de l’intérêt qu’il semblait prendre à ma position.

Ses avances auprès de miss Wilmot étaient trop évidentes pour qu’on s’y méprît ; cependant elle n’en paraissait pas très-flattée ; et, si elle les souffrait, c’était plutôt déférence pour la volonté de sa tante qu’inclination réelle. J’avais même le plaisir de la voir prodiguer à mon malheureux fils de tendres regards que le Squire ne pouvait lui arracher avec toute sa fortune et ses assiduités. Le calme apparent de M. Thornhill me surprenait pourtant un peu. Sur les pressantes instances de M. Arnold, nous venions de passer chez lui une semaine ; et plus, chaque jour, miss Wilmot montrait de tendresse pour George, plus l’amitié de M. Thornhill pour lui semblait s’accroître.

Maintes fois auparavant, il nous avait fait les offres les plus obligeantes de tout son crédit pour notre famille ; aujourd’hui, sa générosité ne se bornait plus à de simples promesses. Dans la matinée que j’avais fixée pour mon départ, M. Thornhill, venant à moi d’un air tout joyeux, m’apprit le résultat d’une démarche qu’il avait faite pour son ami George. Il ne s’agissait de rien moins que d’un brevet d’enseigne dans un des régiments qui allaient partir pour les Indes occidentales ; il n’avait promis que cent livres sterling, son crédit ayant suffi pour obtenir la remise des deux cents autres. « Ce service, ajouta-t-il, est bien peu de chose, et je n’y mets d’autre prix que le plaisir d’obliger un