Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/177

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ma famille, immobile, muette, les yeux attachés sur l’incendie, semblait contempler avec plaisir son affreuse clarté. Mes regards se portaient tour à tour sur elle, sur la flamme ; je cherche mes deux jeunes fils, et ne les voyant pas : « Malheur ! m’écriai-je ; où sont mes deux petits ? — Ils sont morts dans les flammes, me répond froidement ma femme, et je vais mourir avec eux ! » En ce moment j’entends dans la maison le cri des deux enfants réveillés par le feu ; rien ne peut me retenir… « Où sont, où sont mes enfants ! répétai-je en courant au travers de la flamme et brisant la porte de la chambre dans laquelle ils étaient enfermés… Où êtes-vous, mes petits ? — Ici, papa ! nous sommes ici ! » répondirent-ils à la fois, le feu s’attachant déjà au lit dans lequel ils étaient couchés. Je les saisis tous deux dans mes bras, je les portai à travers la flamme aussi loin que je pus ; et, au moment où je sortais de la maison, toute la toiture s’écroula. « À présent, oh ! que la flamme dévore tout ce que je possède !… je les tiens. J’ai sauvé notre trésor ! le voici, ma chère, le voici, notre trésor ! et nous pouvons encore être heureux ! « Nous couvrions les pauvres petits de mille baisers ; et, tandis que, les bras passés autour de notre cou, ils semblaient partager nos transports, la mère riait et pleurait tour à tour.

Immobile devant l’incendie, je le contemplais d’un air calme, lorsque, au bout de quelques instants, je m’aperçus que j’avais le bras jusqu’à l’épaule horriblement brûlé. Impossible donc d’aider Moïse ou à sauver nos effets ou à empêcher la flamme de gagner notre grain. L’alarme cependant s’était répandue, et tous nos voisins d’accourir à notre secours ; mais tous ne pouvaient faire autre chose que de rester, comme nous, spectateurs du désastre. Mes effets, entre autres les billets de banque que j’avais mis de côté pour doter mes filles, furent entièrement consumés, sauf une boîte et quelques papiers qui se trouvaient dans la cuisine, et deux ou trois autres objets de peu d’impor-