Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/193

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n’eusse, à grand’peine, arraché les agents des mains de cette multitude furieuse. Mes enfants, qui regardaient ma délivrance comme certaine, étaient transportés de joie et ne pouvaient contenir leur ravissement ; ils furent bien désabusés quand ils m’entendirent gourmander l’égarement de ces pauvres gens accourus, comme ils le pensaient, pour me rendre service.

« Comment ! mes amis, leur criai-je ; est-ce là le moyen de me prouver votre attachement ? Est-ce ainsi que vous suivez mes instructions ? Une révolte contre la justice !…. votre perte et la mienne !… Quel est votre chef ? Montrez-moi l’homme qui vous a si criminellement trompés ! aussi vrai qu’il existe, il va sentir mon courroux. Pauvres brebis égarées, ah ! revenez à votre devoir envers Dieu, votre pays et moi. Un jour peut-être je vous reverrai, plus heureux que je ne le suis en ce moment, plus en état de contribuer à votre propre bonheur. Ah ! laissez-moi du moins la consolation de penser que, le jour où je devrai parquer mon troupeau pour l’immortalité, il ne me manquera pas une brebis ! »

Tous parurent pénétrés de repentir, et, fondant en larmes, ils vinrent, l’un après l’autre, me dire adieu. Je serrai tendrement la main à chacun, et, après leur avoir donné ma bénédiction, je continuai ma route sans encombre. Quelques heures avant la nuit, nous arrivâmes à la ville, ou plutôt au village ; car il ne se composait que d’un petit nombre de chétives maisons déchues complètement de leur opulence passée, et il ne conservait d’autre marque de son ancienne importance que la prison.

En y entrant, nous descendîmes à une auberge où nous prîmes ce qu’on put nous servir le plus promptement possible, et je soupai en famille avec ma gaieté habituelle. Quand je vis tout mon monde convenablement installé pour la nuit, je suivis les agents du shérif à la prison, bâtiment dont la destination primitive avait été toute militaire, et