Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/200

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« Eh bien ! mes enfants, leur dis-je, comment trouvez-vous votre lit ? Vous n’avez pas peur, j’espère, de rester dans cette chambre, toute noire qu’elle est ?

— Non, papa, répondit Dick ; je n’ai jamais peur là où vous êtes.

— Et moi, dit Bill qui n’avait que quatre ans, la place que j’aime le mieux est celle où est papa. »

Après cela, j’assignai à chaque membre de la famille sa besogne particulière, Sophie fut spécialement chargée de veiller sur la santé de sa sœur qui s’affaiblissait chaque jour ; ma femme dut rester auprès de moi ; mes deux jeunes enfants me faire la lecture. « Quant à toi, Moïse, ajoutai-je, c’est le travail de tes mains qui doit tous nous faire vivre. Avec l’économie convenable, le salaire de ta journée suffira amplement à notre entretien, et même à notre bien-être à tous. Tu as maintenant seize ans ; tu es fort, et cette force est pour toi, mon fils, un bien précieux don, puisqu’il faut qu’elle sauve de la faim tes parents et ta famille dont elle est l’unique ressource. Tâche, dans l’après-midi, de trouver de l’ouvrage pour demain matin, et rapporte-nous, chaque soir, pour nos besoins, l’argent que tu auras gagné. »

Ces instructions données, et tout le reste bien réglé, je descendis à la prison commune, où je trouvais plus d’air et de place. Mais, au bout de quelques instants, les malédictions, les obscénités, les actes de brutalité qui m’assaillirent de toutes parts, me forcèrent de regagner mon appartement. Là, je méditai quelque temps sur l’aveuglement étrange de ces misérables qui, voyant toute l’espèce humaine en armes contre eux, travaillaient pourtant eux-mêmes à se faire, dans l’avenir, un ennemi bien plus redoutable.

Cette stupide frénésie excita au plus haut degré ma compassion, et me fit oublier mon propre malheur. Je résolus de descendre, et, en dépit de leurs outrages, de leur donner mes avis, et de les mater par ma persévérance. Rentrant donc dans la salle commune, je communi-