Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/23

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ou dans des esquisses mal terminées, qui le faisaient vivre, Goldsmith avait conservé la naïveté de son cœur dans la maturité de son esprit. C’était déjà un écrivain à la mode, et c’était encore Goldsmith, une puissance ingénieuse qui ne croyait pas en elle-même, et qui regardait ses triomphes comme le caprice d’un goût passager. Un jour, on lui avait apporté cent guinées pour l’ébauche d’une de ses plus délicieuses compositions, le Village abandonné. Il était, le lendemain, de bonne heure, à la porte du libraire ; car il n’avait pas dormi. « C’est trop, lui dit-il ; reprenez votre argent qui me gêne, et payez-moi en raison de la vente, si vous vendez. » Le libraire vendit et paya. On croirait lire les Mille et une Nuits.

Tant de talents, de désintéressement et de pauvreté firent du bruit dans le monde ; car on parvient quelquefois à occuper le monde, sans le savoir, par la modestie et par la simplicité ; mais il ne faut pas trop compter là-dessus ; et l’autre voie était la plus sûre du temps de Goldsmith, comme du nôtre. Dans un de ses moments de détresse, la protection de Reynolds lui fit obtenir la place de professeur honoraire d’histoire, qui ne rapportait point d’appointements, et que le poëte nécessiteux comparait, dans son style pittoresque, « à une paire de manchettes au poing d’un homme qui n’a pas de chemise. » La justice du ministre fut cependant généralement glorifiée. C’était bien mieux que Mécène. Il avait envoyé des manchettes à Goldsmith.

La variété de ces connaissances acquises à la hâte, mais élaborées avec soin, dont Goldsmith s’était enrichi dans sa