Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

il lui reste assez pour être heureuse. Ce jeune et brave officier veut bien la prendre sans fortune. Ils se sont longtemps aimés. Ami de son père, je ne puis manquer de m’intéresser à son avancement. Renoncez donc à cette avidité qui ne peut vous valoir que des mécomptes ! et, une bonne fois, accueillez le bonheur qui s’offre à vous.

— Sir William, répondit le vieux gentleman, soyez-en bien sûr, je n’ai jamais contrarié l’inclination de ma fille ; je ne le ferai point aujourd’hui. Si elle aime encore ce jeune homme, qu’elle l’épouse ; j’y consens de tout mon cœur. Grâce au ciel, il me reste encore de la fortune, et votre bienveillance l’accroîtra. » Puis, s’adressant à moi : « Que mon vieil ami s’engage seulement à assurer six mille livres sterling à ma fille, dans le cas où il retrouverait sa fortune, et, tout le premier, je suis prêt à les unir ce soir même. »

Le bonheur du jeune couple ne dépendait plus que de moi ; je me hâtai d’assurer à miss Wilmot ce que son père demandait. Pour un homme qui comptait aussi peu que moi sur un retour de fortune, il n’y avait pas grand mérite. Nous eûmes donc le plaisir de voir les deux jeunes gens se jeter dans les bras l’un de l’autre. « Après tous mes malheurs, s’écria George, me voir ainsi récompensé ! C’est plus que je n’eusse jamais pu attendre. Tant de bonheur après tant de souffrance ! Mes plus ardents désirs ne fussent jamais allés jusque-là ! — Oui, mon cher George, répondit son aimable fiancée, que le misérable garde ma fortune ; puisque vous êtes heureux sans elle, moi aussi, je suis heureuse. Quel échange je viens de faire !… le plus vil des hommes contre le plus cher, le meilleur. Qu’il jouisse de notre fortune ! je puis maintenant être heureuse, même dans l’indigence. — Et moi, répliqua le Squire, avec un sourire infernal, je vais être, je vous le promets, fort heureux avec ce dont vous faites fi !

— Doucement ! doucement ! s’écria Jenkinson ; il y a deux mots à dire à tout ceci. Quant à la fortune de miss Wilmot, monsieur, vous n’en