Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/256

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Elle s’était attendue à avoir le haut bout de la table et le plaisir de découper. Sauf ce petit contre-temps, la gaieté de toute la compagnie ne peut se décrire. Eut-elle ce jour-là plus d’esprit que de coutume ? Je ne sais ; mais bien positivement elle rit de plus grand cœur ; ce qui est tout un. Je me rappelle plus particulièrement un plaisant quiproquo : Moïse tournait le dos à M. Willmot, quand le vieux gentleman but à sa santé. « Je vous remercie, madame, » répondit Moïse. Le vieillard, nous faisant un clin d’œil, prétendit qu’il pensait à sa maîtresse. À ce mot, je crus que les deux miss Flamborough allaient crever de rire.

Le dîner fini, je demandai, suivant ma vieille coutume, qu’on enlevât la table, pour avoir le plaisir de voir toute ma famille une fois encore réunie au coin du feu. Mes deux marmots étaient assis chacun sur un de mes genoux ; le reste des convives, chacun auprès de sa femme. Désormais, de ce côté de la tombe, je n’avais plus rien à désirer. Tous mes chagrins avaient disparu ; mon bonheur ne pourrait s’exprimer ; mon unique pensée devait être de montrer plus de reconnaissance encore dans la bonne fortune que de résignation dans l’adversité.