Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/40

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qué à développer. Je soutenais, avec Whiston, qu’un prêtre de l’Église anglicane, quand il a perdu sa première femme, n’a pas le droit de se remarier : en un mot, je faisais gloire d’être un monogame rigide.

Je m’étais, de bonne heure, initié à cette grande question sur laquelle on a écrit tant de profonds ouvrages. Moi-même j’ai publié quelques traités sur la matière : comme jamais ils n’ont pu se vendre, je me console en pensant que je n’ai pour lecteurs que le petit nombre des élus. Aux yeux de quelques-uns de mes amis, c’était là mon côté faible : hélas ! ils n’avaient pas, comme moi, fait de ce point l’objet de longues méditations ; plus j’y réfléchissais, plus j’étais convaincu de son importance. J’allai même un peu plus loin que Whiston dans le développement de mes principes. Il avait, lui, gravé sur le tombeau de sa femme qu’elle avait été l’unique femme de William Whiston : moi, du vivant même de ma femme, je composai pour elle une épitaphe dans laquelle je vantais sa sagesse, son économie, sa soumission jusqu’à sa mort : je la fis copier avec soin, et je la plaçai, dans un beau cadre, au-dessus de la cheminée. Elle avait là plusieurs bons effets : elle rappelait à ma femme ses devoirs envers moi et ma fidélité pour elle ; elle nourrissait en elle l’amour d’une bonne réputation ; elle l’avertissait à toute heure de penser à sa fin.

Ce fut peut-être à force d’entendre ainsi prôner sans cesse le mariage, que mon fils aîné, tout juste à sa sortie du collège, fixa ses affections sur la fille d’un ecclésiastique du voisinage, dignitaire de l’Église et en position de la doter d’une belle fortune. Mais la fortune était le moindre des avantages de miss Arabella Wilmot. De l’aveu de tous, mes deux filles exceptées, elle était tout à fait jolie. Jeune, fraîche, naïve, il y avait en outre dans la transparence de son teint, dans la douce mélancolie de son regard, un charme si vif, que la vieillesse même ne pouvait la voir avec indifférence. M. Wilmot savait que j’étais en mesure de bien établir mon fils : aussi ne montrait-il nul éloigne-