Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/55

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vaux habituels du dehors, pendant que ma femme et mes filles s’occupaient du déjeuner, toujours prêt à une heure fixe ; j’accordais une demi-heure pour ce repas, une heure pour le dîner ; c’était un moment d’innocente récréation pour ma femme et mes filles, de discussions philosophiques pour mon fils et moi.

Toujours levés avant le soleil, nous ne prolongions jamais nos travaux après son coucher ; nous retournions au logis où la famille nous attendait, où, pour nous recevoir, il y avait toujours des visages riants, un brillant foyer et un bon feu. Nous n’étions pas tout à fait sans société : de temps à autre, le fermier Flamborough, voisin quelque peu causeur, et, parfois, le joueur de flûte aveugle, nous faisaient leur visite et venaient tâter de notre vin de groseilles, pour la confection duquel nous n’avions perdu ni notre recette ni notre réputation. Ces braves gens avaient plusieurs moyens de nous faire bonne compagnie : l’un jouait de son instrument ; l’autre nous chantait une touchante ballade, le dernier Bonsoir de Johnny Armstrong, ou la Cruauté de Barbara Allen. La soirée se terminait comme avait commencé la matinée : mes deux plus jeunes fils étaient chargés de lire la leçon du jour, et celui qui avait lu le plus haut, le plus distinctement, le mieux, devait avoir, le dimanche, un demi-penny à mettre dans le tronc des pauvres.

Quand venait le dimanche, oh ! c’était jour de grande toilette ; toutes mes lois somptuaires n’y pouvaient rien. J’avais eu beau me figurer que mes prônes contre l’orgueil avaient fait justice de la vanité de mes filles, je les trouvais toujours secrètement attachées à toutes leurs parures d’autrefois : elles aimaient toujours les dentelles, les rubans, les verroteries et le marly ; ma femme elle-même conservait une vieille passion pour son pou-de-soie cramoisi, parce qu’il m’était jadis arrivé de lui dire qu’il lui allait bien.

Le premier dimanche, plus particulièrement, leur mise me mortifia. Le samedi soir, j’avais prié mes filles d’être prêtes de bonne heure le