Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/88

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J’attendis près d’une heure, lisant au pupitre, pour leur donner le temps d’arriver. Mais, ne voyant venir personne, il fallait bien commencer, avancer même dans le service, un peu contrarié de leur absence. Ce fut bien pis quand, le service terminé, la famille ne parut point.

Je pris, à pied, la grande route qui faisait un détour de cinq milles, tandis que le sentier des piétons n’en avait que deux, et, à moitié chemin de la maison, j’aperçus la procession se dirigeant lentement vers l’église ; mon fils, ma femme et mes deux marmots juchés sur l’un des chevaux, et mes deux filles sur l’autre. Je demandai les motifs du retard : leurs regards m’eurent bientôt appris qu’ils avaient éprouvé mille mésaventures. Les chevaux d’abord s’étaient refusés à passer la porte ; il avait fallu que M. Burchell eût la complaisance de les chasser devant lui, près de deux cents yards, avec son bâton. Un moment après, les sangles de la selle de ma femme s’étaient brisées : halte obligée pour les raccommoder, avant de pouvoir aller plus loin. Enfin, un des chevaux s’était mis en tête de s’arrêter encore, et ni coups ni menaces n’avaient pu le faire avancer. Ils sortaient de ce mauvais pas, tout juste au moment où je les rencontrai. Quand je vis toutes choses sauves, leurs tribulations, je l’avoue, ne me déplurent pas beaucoup. J’y apercevais, dans l’avenir, pour moi l’occasion de plus d’un triomphe, pour mes filles, une leçon d’humilité.