Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/98

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enfourché sur le poulain, et flanqué d’une boîte de sapin dans laquelle il devait rapporter des épiceries. Il avait un habit de drap tonnerre et éclair, qui, bien que devenu un peu court, était trop bon encore pour être réformé ; sa veste était vert d’oie, et ses sœurs lui avaient noué les cheveux avec un large ruban noir. Nous l’accompagnâmes tous à quelques pas de la maison, lui criant : « Bonne chance ! bonne chance ! » jusqu’au moment où nous le perdîmes de vue !

Il ne faisait que partir, quand le maître d’hôtel de M. Thornhill vint nous féliciter de notre bonne fortune ; il avait, nous dit-il entendu son jeune maître parler de nous dans les termes les plus flatteurs.

Cette bonne fortune ne semblait pas vouloir aller seule. Un autre valet de pied de la maison arriva, un moment après, avec un billet pour mes filles. Les deux grandes dames avaient reçu de M. Thornhill les meilleurs renseignements sur notre compte ; encore quelques petites informations, et elles espéraient être pleinement satisfaites. « Ah ! s’écria ma femme, maintenant, je le vois, il n’est pas facile d’entrer dans les familles des grands ; mais une fois qu’on y est entré, comme dit Moïse, il n’y a plus qu’à dormir sur les deux oreilles. » Cette boutade, ma femme la prenait pour de l’esprit : mes filles, toutes joyeuses, y applaudirent avec des rires bruyants. Bref, Déborah fut si ravie du message, qu’elle mit de suite la main à la poche, et donna au messager sept pence et un demi-penny.

C’était notre jour de visites. La troisième fut celle de M. Burchell : il arrivait de la foire et apportait à chacun de mes deux marmots un pain d’épice d’un penny, que ma femme se chargea de serrer pour eux, et de leur donner, par procuration, en temps utile ; à mes deux filles, une couple de boîtes où elles pourraient mettre des pains à cacheter, du tabac, des mouches, même de l’argent, quand elles en auraient. Le caprice habituel de ma femme était une bourse de peau de belette, parce que, plus que toute autre, elle porte bonheur : ceci en passant.