Page:Gomperz - Les penseurs de la Grèce, Vol 1, 1908.djvu/257

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sèchement, sans poésie et sans humour, des théories aussi absolues qu’aventureuses, il ne devait pas toujours faire la meilleure figure au milieu des esprits si souples, si ouverts, si peu exclusifs de son temps. Beaucoup s’en laissaient imposer par son calme aristocratique, par sa confiante dignité ; d’autres le haïssaient parce qu’il s’immisçait trop, à leur gré, dans les secrets des dieux ; à d’autres enfin, qui n’étaient sans doute pas les moins nombreux, il devait paraître à tout le moins un tantinet naïf, pour ne pas dire toqué. Nous-mêmes, nous voyons en lui un esprit d’une grande puissance déductive, étonnamment inventif, doué d’un sens très développé de la causalité ; mais ces avantages nous paraissent plus que balancés par son manque surprenant de saine intuition et par son indifférence regrettable à vérifier par les faits ses ingénieuses hypothèses.


Notes

03. Sur la cosmogonie d’Anaxagore, cf. l’instructive discussion de W. Dilthey (Einleitung in die Geisteswissenschaft I 200 sp.). Je ne puis cependant, pas plus que Zeller (Ph. d. G. I 5e éd. 1002 n.), me ranger à l’opinion que l’Univers, selon Anaxagore, ait la forme d’un cône. On peut sans doute attribuer avec probabilité an Klazoménien l’idée que la sphère céleste, produite par rotation (perixÅrhsiw), gagne en circonférence dans la mesure où des masses de matières toujours plus grandes entrent en mouvement. Il n’est peut-être pas sans utilité de rappeler qu’Anaxagore ne semble en tout cas rien savoir d’une sphère céleste matérielle ou d’un ciel matériel des étoiles fixes. Même là où l’on serait le plus en droit d’en attendre la mention (ainsi frg. 8 Schaub), il n’y a pas la moindre allusion à une représentation de cette nature.

04. Les tentatives sans cesse renouvelées pour prouver la nature purement spirituelle du Nous d’Anaxagore se condamnent elles-mêmes, soit par les contradictions dans lesquelles elles se trouvent avec les déclarations non équivoques du Klazoménien lui-même, soit par les artifices subtils auxquels leurs auteurs se voient forcés de recourir. Ainsi les mots d’Anaxagore, leptñtaton p‹vrvn xrhm‹tvn sont interprétés « la plus perspicace de toutes choses » au lieu de « la plus fine » ; ainsi encore dans le Œploèn (simple) d’Aristote on voit autre chose que la reproduction du prédicat Žmig¡w (sans mélange). La méthode employée ici consiste essentiellement à combattre par des indications aristotéliciennes, plus ou moins arbitrairement expliquées, le texte clair et précis des déclarations d’Anaxagore. On trouvera de bons arguments contre l’absolue immatérialité du Nous dans Natorp, Philos. Monatshefte XXVII 477. L’expression « matière pensante » (Denkstoff) est de Windelband (Iw. Müllers Handbuch d. klass. Altertums V 1, 165).

05. Ces plaintes se trouvent dans le Phédon de Platon, 97 c sq. et chez Arist. Métaph. I 3 985 b. 17.

06. Sur les doctrines astronomiques et météorologiques d’Anaxagore, cf. Doxogr. Gr. 137 sq.

07. Cette difficulté (Aristote, de Caelo II 13) a, je le vois maintenant, été étudiée, mais sans avoir été, selon moi, résolue par Brieger, Die Urbewegung der Atome, u. s. w. (Gymnasial-Progr., Halle 1884, p. 21). II résulte des témoignages réunis par Schaubach, pp. 174 sq., qu’Anaxagore attribuait à la terre la forme d’un disque plat. Simplicius seul indique par le mot tumpanoeid®w (ap. Arist. de Caelo II 13 p. 520, 28 sq. Heiberg) qu’il lui attribuait la forme d’un cylindre ou d’un tambourin. Mais Simpl. affaiblit son témoignage en disant la même chose d’Anaximène, qui, nous le savons avec une pleine certitude, était d’accord, relativement à la forme de la terre, non pas avec Anaximandre, mais avec Thalès. Il est donc erroné de dire, comme Zeller, Ueberweg et d’autres, qu’Anaxagore faisait de la terre un « cylindre plat ».

08. Au sujet de l’explication que donnait Anaxagore de l’entassement d’étoiles dans la voie lactée, cf. Tannery, Pour l’histoire, etc., 279. Au sujet du problème lui-même, cf. entre autres Wundt, Essays 79 sq.

09. Depuis Schleiermacher, on a contesté à Anaxagore l’expression de homoioméries pour en faire une invention d’Aristote. On trouvera réunis dans Schaubach, p. 89, les témoignages inéquivoques de l’antiquité contre cette opinion. Ce qui montre, clair comme le jour, que cette supposition est insoutenable, c’est qu’Epicure, et après lui Lucrèce, qui n’avait pas le moindre motif d’employer les expressions techniques d’Aristote, ont fait usage de ce terme. (Cf. à ce sujet le commentaire de Munro sur Lucrèce 1834 et notre étude dans la Zeitschrift f. d. öst. Gymn. XVIII 212.)

10. Le jugement dédaigneux de Xénophon se trouve dans les Mémor. IV 7.