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Page:Gomperz - Les penseurs de la Grèce, Vol 1, 1908.djvu/312

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LES MÉDECINS


comme autrefois en Inde, en Grèce et en Italie, la jaunisse est exilée dans le corps d’oiseaux jaunes 1[1]. En raison de sa nature, la chirurgie, petite ou grande, devait échapper plus facilement à la superstition, et l’on sait qu’elle a atteint un étonnant développement chez les Sauvages d’aujourd’hui comme chez les nations de l’antiquité, même à une époque que nous ne connaissons que par les découvertes préhistoriques ; de part et d’autre, les praticiens ne reculent pas devant des interventions aussi hardies que la trépanation ou l’opération césarienne 2[2].

Si nous en venons aux plus anciens témoignages de la littérature grecque, nous ne sommes pas peu surpris de voir que l’Iliade ne mentionne nulle part les incantations. Des traits sont retirés du corps des héros blessés, le sang des blessures est étanché, et celles-ci sont ointes de baumes ; les guerriers épuisés sont raniinés au moyen de vin pur ou associé à l’orge et au fromage, mais il n’est nulle part question de pratiques ou de formules superstitieuses quelconques. Ce fait, qui avait déjà frappé les anciens commentateurs d’Homère, s’accorde au mieux avec les autres traits qui dénotent un précoce épanouissement des « lumières » (cf. p. 32 sq.). Mais les « lumières » ne sortaient guère des cercles de la noblesse ; c’est ce que nous prouve la littérature plus jeune, à partir d’Hésiode, où les incantations, les amulettes, les songes salutaires, etc., jouent un rôle si important. L’Odyssée déjà, qui nous décrit les débuts de la vie civile, et dont le héros est plutôt l’idéal des marchands astucieux et des intrépides marins que celui des nobles guerriers, connaît au moins en un passage, dans l’épisode de la chasse au sanglier sur le Parnasse, l’incantation ou épode comme moyen de soigner les blessures 3[3] C’est aussi dans la plus jeune des épopées homériques que nous

  1. 1 Ces exemples de superstitions populaires sont fournis par : le Dr Paris, Pharmacologia, cité par J.-S. Mill, Logique, 1. V, ch. 3, § 8 ; Erman, Ægypt. Leben, I 318 ; Pline, Nat. Hist., 30, 11 (94) ; Anonyme, dans le Thesaurus ling. græcæ, au mot ίΚτεροζ ; Fossel, Volksmedicin u. medic. Aberglauben in Steiermark (cité dans la Mûnch. Allg. Zeitung du 23 sept 1891).
  2. 2 Sur la chirurgie des sauvages et ses interventions hardies, cf. Bartels, Die Medicin der Naturvôlker, Leipzig 1893, pp. 300 et 305-6 ; von den Steinen, Unter den Naturvôlkern Centralbrasiliens, p. 373 ; Corresp. Bl. d. deutschen Gesellsch. f. Anthropologie, u. s. w. Avril 1900, p. 31 sq.
  3. 3 Ici, nous avons utilisé à plusieurs reprises l’essai de Welcker, Epoden oder das Besprechen (Kleine Schriften, III 64 sq.), de même que plus loin, p. 300. Sur ce qui suit, comp. Odyssée, XIX 457 sq. et XVIII 383 sq. Sur les médecins itinérants de F Inde à l’époque la plus ancienne, cf. Kægi, Der Rig-Veda, p. 111.