Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Tout au fond, des montagnes noires, amoncelées les unes contre les autres, détachant durement la tourmente de leurs lignes sur l’argent d’un ciel, où courent de longs nuages déchiquetés, ayant l’air d’une cavalcade fantastique, aux sabots chevelus de chevaux aériens.

Un paysage sévère, morose, austère. Et çà et là, le blanc d'une villa éclatant, comme le blanc d’une carrière de marbre qu’on exploite, à côté d’une tache sombre, qui est un petit bois de chênes verts, abritant le frigus opacum de Virgile.

Les villas, ces blanches demeures, dans la noire verdure du leccio (chêne vert), font la riante ceinture de Florence, et presque toutes ont une histoire. C’est la villa Careggi, élevée par Cosme le Vieux, et où fut ressuscitée la philosophie platonicienne, par Marcille Ficin, installé là, par le vieux duc, en souvenir de l’Académie de Platon, établie dans les jardins suburbains d’Athènes, pour assurer la tranquillité et le travail de son philosophe, tout entouré, en ce palais campagnard, de manuscrits grecs achetés à grands frais.

Et cette royale protection, le grand Cosme mort, était continuée à Ficin par Laurent le Magnifique, qui appelait autour de lui Cristoforo Landini, Pico della Mirandola,