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« l’Embarquement de Cytlière » du Watteau qui est au Louvre.


André del Sarto. — Mais j’allais oublier dans ce Musée Pitti, ce grand maître, ce premier dessinateur de la physionomie moderne, qui s’y est représenté dans le même cadre que sa femme — sa femme, une peinture, traitée avec un souvenir des fières couleurs du Giorgione, et où, en une teinte générale chaudement ambrée, apparaît une figure longue, au nez droit, aux yeux lumineux sous de lourdes paupières, aux épais bandeaux bouffants d’une chevelure d’un roux violacé. Oh ! chez cet artiste, le merveilleux estompage de la brosse, qui, en une belle et savante fonte, laisse indiqués, comme dans des chairs doucement pastellées, tous les plans d’une figure. Pour les hommes, André del Sarto affectionne un type : la tête un peu courte, le front bas, mais large, et où se dessinent en relief les frontaux, les yeux écartés, les pommettes saillantes, le nez droit aux narines évasées, le menton de galoche, l’ovale musculeux et ramassé et tout plein de méplats, le type de l’énergie, de la volonté entêtée du martyr ou du révolutionnaire de l’idée, dans une charpente plutôt nerveuse qu’herculéenne. Et d’ordinaire c’est sur le front de ce type qu’il met toute sa lumière, glissant des bosses frontales au bout de la ligne droite du nez, laissant le bas de la figure dans la pénombre.