Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/195

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à pas lents, réfléchis, nous donne l’idée de la résignation religieuse. Et le désespoir profond et calme, le désespoir bien humain, est représenté de la manière la plus intelligente, par l’arrêt de ce père, qui, une main sur la tête de son fils, encore enfant, l’autre dans ses cheveux qu’il tortille, en la fuite de son foyer, en le deuil de sa femme qui n’est pas à ses côtés, ne sait pas s’il veut marcher encore.

Dans « l’Ivresse de Noé » Gozzoli a retrouvé, pour la vendange, pour le cadre de cette ivresse, la grâce des frises antiques, l’envolée de ces enlacements dansants de nymphes aux pieds légers. En effet, ne semblent-elles pas détachées d’un bas-relief grec, ces deux femmes, dont l’une, un pied soulevé derrière elle, une main sur la hanche, et l’autre tenant sur sa tête le panier à raisin, s’avance avec un ballant dans la démarche, comme si le peintre avait vraiment trouvé le moyen de rendre la marche en peinture. L’autre femme, posant sur ses deux pieds assemblés, l’un en retraite, calant le talon du premier, la tête renversée, le visage fuyant, les seins projetés en avant, ses deux bras élevés au-dessus de sa tête pour recevoir le panier, que tend le vendangeur perché sur une échelle, sa jupe doucement carminée, relevée et passée dans sa ceinture, un bout de chemise blanche au-dessus du genou.

Cette « Ivresse de Noé » est connue en Italie sous le nom de la vergognosa, tirant ce nom de la femme, qui