Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/44

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aux membres grossièrement équarris dans la chair, à la hanche énorme et déboîtée ; — un Noé ventripotent, dont la tripaille a quelque chose de la charge d’un Bacchus, dessiné par Daumier. — Oh ! les nudités effroyables, les estropiements grotesques, les gibbosités hideuses !

Ces représentations de l’Ancien Testament, au milieu d’une création de bêtes et d’animaux de cauchemars, de béliers diaboliquement capricants, de mulets aux oreilles formidables, de chameaux dont le cou a l’allongement de reptiles, de lions à la crinière semblable à la flamme d’un kriss malais, d’oiseaux héraldiques férocement goulus, becquetant les raisins noirs d’arabesques mystérieusement symboliques, de monstres à sept têtes cornées, d’hippogriffes pareils à des chauves-souris et finissant en sangsues.

Et les paysages blêmement sinistres, encadrant cette humanité, et où, sur le bleu de la mer, les crêtes des vagues font un grouillement blanc d’asticots remuants, et où la terre a pour végétation, des arbres de Jessé portant des anatomies de vieillards. Ces mosaïques, — d’épouvantantes caricatures aux laideurs de l’idole primitive, du fétiche des sauvages, — et qui semblent, en un art embryonnaire, les impressions peureuses et redoutées de la divinité chez un peuple-enfant.