Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/47

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nobles familles, des Morosini et des Colonna, qui ont l’air des gras et des maigres d’une ancienne image. — Les grandes dames de la société vénitienne se promenant sous des toilettes parisiennes en retard, mettant un endimanchement bourgeois à leur beauté, fiévreusement sculpturale. — Ce monde, à tout moment, traversé par des marchands ambulants de fruits confits, de pruneaux, de nèfles, d’écorces de citron, glacés de sucre, enfilés le long d’une petite baguette. — Trois jeunes filles suivies d’une gouvernante, au nez de Hyacinthe, et d’un petit laquais, les jambes en manches de veste dans une culotte collante, et, son maigre torse dans une redingote étriquée, le faisant ressembler à un i qui badauderait en gaminant.

— Rien de nouveau ? jette en passant l’une des trois contessines à une amie.

— Rien. Je suis bien inquiète !

Il s’agit d’un amoureux de Milan, dont le panier qui sert au boulanger à monter le pain, au facteur les poulets amoureux, n’a pas apporté de nouvelles. C’est ainsi qu’on se renseigne là, au passage, entre jeunes filles.

Et celle-ci, me dit, quelques instants après, l’ami Baschet, est la jeune fille qui dernièrement, pour causer seule avec son amoroso, a cassé deux carreaux, à l’effet d’écarter la mère un peu rhumatismale, et de la reléguer au fond de la grande galerie, parmi ses vieux