Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/59

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aux maisons, dont les volets de vieux bois pourri sont couleur de bouc.

Çà et là, des compi, de petites places mélancoliques, à la verdure noire d’un cyprès, à l’herbe maigre des cours où le pied de l’homme ne passe plus, et où quelquefois, mise sur le côté, se trouve la carcasse d’un bateau abandonné, autour de laquelle jouent de petits garçons, encapuchonnés jusqu’au derrière dans des tartans en loques, ou bien gisent quelques fragments de mobiliers hétéroclytes. Le silence des villes mortes, dans ces rues moroses, et partout les fonds briquetés et roux, tels qu’ils se présentaient au Tintoret, de sa fenêtre du CAMPO DEGLI MORI. Un coin de l’Afrique, tout plein du deuil de l’ancienne civilisation maure, qui a laissé à l’angle d’un mur le profil d’un des siens, obombré d’un turban gigantesque, et plus loin sur le vieux palazzo qu’a taché le noir d’une industrie moderne, et dont le balcon a aujourd’hui complètement disparu sous des dindons plumés, attachés la tête en bas, la silhouette effacée d’un chameau chargé d’aromates.

AU PALAIS DUCAL, dans la grande salle du Conseil, le plafond de Véronèse.

La « Venise couronnée » dans son corsage d’hermine, aux petites houppes noires, dans sa jupe de damas blanc