Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/165

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mande ?… Elle se passa la main sur son front. — Ah ! tiens, je ne sais plus…

Et elle sortit en trébuchant de la boutique.


XXXIII.


Dans la torture de cette vie, où elle souffrait mort et passion, Germinie, cherchant à étourdir les horreurs de sa pensée, était revenue au verre qu’elle avait pris un matin des mains d’Adèle et qui lui avait donné toute une journée d’oubli. De ce jour, elle avait bu. Elle avait bu à ces petites lichades matinales des bonnes de femmes entretenues. Elle avait bu avec l’une, elle avait bu avec l’autre. Elle avait bu avec des hommes qui venaient déjeuner chez la crémière ; elle avait bu avec Adèle qui buvait comme un homme et qui prenait un vil plaisir à voir descendre aussi bas qu’elle cette bonne de femme honnête.

D’abord, elle avait eu besoin, pour boire, d’entraînement, de société, du choc des verres, de l’excitation de la parole, de la chaleur des défis ; puis bientôt, elle était arrivée à boire seule. C’est alors qu’elle avait bu dans le verre à demi plein, remonté sous son tablier et caché dans un recoin de la cuisine ; qu’elle avait bu solitairement et désespérément ces mélanges de vin blanc et d’eau-de-